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Profitez de la fin d'été pour faire des boutures [1/2]

Patrick Mioulane vous propose chaque mois de découvrir la tâche jardinière à effectuer. Parce que le jardin évolue et a besoin d’entretien tout au long de l’année, ne passez pas à côté des conseils avisés de notre expert du jardin.

La physiologie particulière des végétaux leur permet de se régénérer à partir d’un simple fragment de tige, de racine ou de feuille. Cette faculté qui permet d’obtenir des plantes entières (et toutes similaires) est un mode de multiplication asexué ou « végétatif ». On parle aussi de clonage. Cette particularité est utilisée par les jardiniers pour propager les plantes à partir de boutures (le greffage que nous avons présenté en juillet est également une méthode de multiplication végétative).

Le bouturage est une opération de multiplication végétative consistant à placer dans des conditions favorables (sol, température, humidité, lumière), un fragment de tige, de rameau, de feuille ou de racine, détaché de la plante mère, pour qu’il prenne racine et forme un nouvel individu.

Le bouturage permet d’obtenir un grand nombre d’individus à partir du même pied mère ce qui en fait l’une des méthodes de multiplication préférée des professionnels. Pour le jardinier amateur, c’est l’occasion rêvée pour augmenter gratuitement sa collection de plantes.

 

Les boutures de l’été

Il existe de nombreuses techniques de bouturage. Certaines se pratiquent à des époques précises de l’année : boutures herbacées au printemps, boutures à bois sec en hiver et boutures demi-aoûtées en été. Nous allons consacrer cet article uniquement à ces dernières qui se réalisent en août et septembre.

Les boutures demi-aoûtées sont également qualifiées de « semi-ligneuses » en raison de leur état physiologique bien particulier. Le dernier tiers de l’été correspond en effet à la période d’aoûtement, c’est-à-dire le moment où la jeune pousse de l’année encore tendre (état herbacé) voit ses tissus se durcir (se lignifier) pour permettre à la plante de mieux supporter les rigueurs de l’hiver. Chez les arbres et les arbustes, la lignification forme le bois.

 

Comment la bouture forme-t-elle des racines ?

On peut légitimement se demander comment un morceau de plante détaché de son organisme d’origine parvient à se régénérer jusqu’à devenir un individu autonome… En fait, toutes les cellules végétales sont capables de se différencier en une cellule spécialisée. Cette propriété se nomme la totipotence

Après avoir été prélevée, la partie de la bouture située à la base de la coupe commence à se cicatriser en formant un cal. Il s’agit d’une sorte de bourrelet constitué de cellules homogènes qui, petit à petit, vont se différencier pour évoluer en racines ou bien en bourgeons (yeux), qui produiront des tiges.

La formation de racines par la bouture est appelée « rhizogénèse ». Les cellules du cal commencent par constituer un méristème, tissu indifférencié dont les cellules se multiplient activement. Sous l’action de l’hormone de croissance propre aux plantes (l’auxine), il y a régénération et formation de racines.

L’auxine se concentre surtout dans les bourgeons. C’est pourquoi il est nécessaire de prélever une bouture sous un œil ou sous une feuille, cette dernière étant toujours accompagnée d’un œil axillaire situé à la base du pétiole.

 

Toute la technique en détail

Les boutures semi-ligneuses sont surtout réalisées avec des plantes arbustives. Leurs tissus étant déjà durcis et possédant quelques réserves, ces boutures présentent un moins grand risque de dessiccation que les boutures herbacées.

Prélevez les boutures sur des rameaux d’extrémité (pousses de l’année), n’ayant si possible pas porté de fleurs. Utilisez la partie médiane de la tige, en éliminant le sommet trop tendre et la base déjà bien lignifiée qui aurait plus de difficultés à s’enraciner.

Certaines espèces (abélia, aucuba, conifères, pyracantha…) reprennent mieux lorsque la base de la bouture est constituée d’un fragment de la tige (de l’année précédente) d’où est né le rameau sur lequel on la prélève. C’est ce que l’on appelle une bouture à talon

Une bouture demi-aoûtée doit mesurer entre 7 et 15 cm de longueur selon les espèces à propager. Plus elle est courte et plus grandes sont les chances de succès.

Éliminez le feuillage sur au moins les deux tiers de la tige en partant de la base. Réduisez ensuite de moitié la superficie du limbe de toutes les feuilles conservées. Cette double opération se nomme l’habillage.

Piquez vos boutures dans une caissette ou un pot, en les enterrant jusqu’à la base des premières feuilles conservées. Arrosez bien et placez la culture à l’étouffée sous verre ou sous plastique. Veillez à ce qu’une bonne condensation se forme sur les parois pendant le temps de la reprise des boutures. Il faut éviter une insolation directe, mais une bonne luminosité est toutefois nécessaire.

Comptez en moyenne de 4 à 8 semaines pour la reprise. Elle se manifeste chez les espèces à feuillage caduc par la chute des feuilles en automne. Les persistants conservent un feuillage toujours vert qui caractérise la réussite. En effet, les boutures demi-aoûtées ne démarrent leur croissance qu’au printemps suivant.

Pourcentage de réussite : de 60 à 80 % en moyenne.

 

L’outillage et le matériel à utiliser

Le bouturage est une opération assez simple qui ne nécessite pas un équipement considérable. Vous avez besoin d’un bon sécateur pour prélever les boutures ligneuses et de ciseaux pour habiller le feuillage des boutures.

Les boutures d’été ne se plantent pas directement en pleine terre, mais en pots ou en terrines. La dimension des récipients est peu importante. Vous pouvez utiliser des godets pour faire des boutures individuelles ou piquer plusieurs boutures dans le même pot.

Si vous avez l’intention de réutiliser des pots, n’oubliez pas de les faire tremper toute une nuit dans une solution d’eau de Javel (à 20 %). Brossez-les énergiquement et rincez-les à grande eau. Il ne faut pas qu’il reste la moindre trace des cultures précédentes.

La miniserre est un accessoire indispensable à la réussite de vos boutures d’été. Elle peut être constituée d’une simple terrine recouverte d’un dôme en plastique transparent. C’est le modèle le plus simple et le plus économique. Il convient de choisir un modèle dont le bac dépasse 10 cm de profondeur.

 

Remplacer les hormones de bouturage

Jusqu’à il y a peu, on trouvait dans le commerce sous l’appellation « hormones de bouturage » de : l’acide indole-butyrique (une auxine) et de l’acide naphtyl-acétique qui active la multiplication cellulaire des végétaux. Du fait de la loi Labbé de janvier 2019, ces substances produites par synthèse ne sont plus disponibles pour les jardiniers amateurs.

Or, de nombreuses boutures d’arbustes ont du mal à s’enraciner sans ce « coup de pouce » chimique. Il peut être remplacé par des solutions naturelles tels que les micro-organismes issus du sol, Bacillus amyloliquefaciens qui évitent les risques de pourriture des boutures ou par le stimulateur de croissance racinaire Osiryl, un concentré d’enzymes naturelles qui est utilisable en agriculture biologique.

Le jardinier amateur peut aussi facilement fabriquer son hormone de bouturage avec de l’eau de saule, connue pour contenir de l'acide β-indole butyrique. Elle se prépare en écrasant avec un marteau quelques rameaux de saule (toutes les espèces sont valables excepté le saule marsault) puis en les faisant tremper pendant 24 heures dans de l’eau.

 

Un substrat léger et peu nutritif

Le secret de la réussite du bouturage vient du substrat. Il doit apporter un bon compromis entre légèreté, aération, porosité, rétention en eau et bonne consistance structurelle.

Un matériau inerte type perlite, vermiculite, sable de rivière ou même pouzzolane peut être utilisé pur, mais dans ce cas, il faudra rempoter les boutures très rapidement après leur enracinement. Un mélange par moitié de tourbe blonde et de perlite donne aussi d’excellents résultats.

Les terreaux pour semis et bouturage que l’on trouve dans le commerce sont généralement trop fins et se compactent facilement. Mélangez-les à parts égales avec de la perlite, de la vermiculite ou du sable.

Crédit photo : N. & P. Mioulane

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